Ma maison d'édition, Sharon Kena Éditions, organise cette année un calendrier de l'avent. Pour remplir "les cases", elle nous a demandé d'écrire un texte.
Voici celui que j'ai écris pour la 7ème fenêtre.
Si vous préférez lire sur tablette, vous pouvez télécharger un fichier epub
ici
Bonne lecture et joyeuses fêtes à tous.
L’humeur de Terry se ternit dès
qu’elle posa les yeux sur son écran de téléphone et y lut la date du
jour : 1 décembre 2018.
Décembre. Elle détestait ce mois.
À moins que ce soit lui qui la détestait ? Elle ne savait pas vraiment.
Mais en décembre, chaque année, il lui arrivait une tuile. Et ça avait commencé
toute petite. Son chien s’était enfui une veille de Noël par exemple, son
amoureux d’enfance l’avait quittée en plein bal du réveillon pour la peste de
l’école… Elle en avait plein des exemples comme ça. Même aujourd’hui, alors
qu’elle était adulte, la guigne de décembre la poursuivait encore.
Il y a deux ans, son mec l’avait
larguée pour partir faire un road trip, elle n’avait plus jamais eu de
nouvelles et ignorait totalement ce qu’il était devenu. L’an dernier, elle
avait réussi – par
quel miracle Dieu seul le savait –
à mettre le feu à sa cuisine en faisant cuire de simples pâtes !
Qu’allait-il lui arriver cette
année ?
Si elle avait pu, Terry se serait
barricadée chez elle jusqu’à ce que ce foutu mois soit terminé, mais c’était
impossible. Elle avait des amis, une famille, et accessoirement un boulot.
La mort dans l’âme, elle se
prépara donc pour le travail. Quarante-cinq minutes plus tard, elle poussait la
porte du cabinet vétérinaire où elle était assistante. Elle adorait les animaux,
ce job était une véritable vocation pour elle. Même si elle se passerait
volontiers de la bave et des poils dont elle rentrait couverte chaque soir.
La journée se déroulait dans une
routine agréable jusqu’à ce qu’elle s’occupe d’un bulldog empli de tique. Alors
qu’elle se battait à l’aide d’une pince pour attraper les parasites, la sale
bête – le cabot,
pas la tique – la
mordit jusqu’au sang, enfonçant ses crocs dans sa chair.
Terry hurla de douleur, alertant
ainsi les deux médecins qui arrivèrent en courant. À la tête qu’ils firent,
elle comprit qu’elle était bonne pour un voyage aux urgences !
C’est Raphaël qui l’accompagna à l’hôpital tandis que Marc gérait
le chien qui l’avait attaquée.
Elle rentra chez elle de longues heures plus tard avec trois
points de suture. On lui avait également prescrit du repos qu’elle avait
refusé. Une main bandée ne l’empêcherait pas de faire son job. Elle pouvait
parfaitement répondre au téléphone, prendre des rendez-vous et autres diverses tâches
de secrétariat. Lâcher Marc et Raphaël était impossible.
Ils étaient tous les deux plus que de simples collègues, ils
étaient ses amis et, en super copine, elle ne pouvait pas les abandonner comme
ça. Pas en décembre, période où ils avaient toujours beaucoup de monde. À
croire que c’était la mode d’offrir des pauvres bêtes pour Noël !
Une raison de plus de détester décembre ! On était que
le 1er pourtant et le mois commençait déjà mal pour elle !
Après un repas bien gras pour se réconforter, elle
s’installa sur son ordinateur et consulta ses courriels. Elle en trouva un bien
étrange qui avait pour objet « 1er
décembre – 1ère case ». L’expéditeur lui était inconnu. Songeant
qu’il s’agissait d’une quelconque pub, elle le supprima sans même le lire. Si
les marchands pensaient lui faire dépenser une somme monstre pour les fêtes,
ils se trompaient lourdement !
Elle se coucha peu après, éreintée par sa longue journée.
Le lendemain soir, elle découvrit dans sa messagerie un
nouveau mail du même acabit que le premier « 2 décembre – 2ème case ». Il subit un sort
identique à son frère de la veille.
Le 4 décembre, quand elle vit encore un autre, elle
s’interrogea. Les titres des e-mails laissaient croire à un calendrier de
l’avent, allait-elle en recevoir jusqu’au 24 décembre ? Il en était hors
de question !
Décidée à se désinscrire de la newsletter à laquelle elle
avait dû être ajoutée contre son gré, elle ouvrit le courriel et fut surprise
par son contenu. Ce n’était pas du tout une pub, loin de là !
« Bonjour Terry,
Nous sommes le 4
décembre et voici, en pièce jointe, la 4ème case de ton calendrier
de l’avent. J’espère que tu apprécieras ton cadeau et que tu ne le gâcheras pas.
Bien à toi,
Ton Père
Noël ».
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? s’exclama
Terry, interloquée.
Elle relut trois fois le texte, mais celui-ci ne changea pas
d’un iota. Curieuse, elle téléchargea la pièce jointe. Il s’agissait d’un bon
lui offrant un repas à la pizzéria en bas de la rue. Dans un premier temps,
elle trouva ça génial : elle ne refusait jamais une pizza gratuite… puis
elle réalisa… En bas de la rue ? Cela indiquait donc que « son père
Noël » savait où elle habitait… En plus de connaître son prénom, il avait
son adresse ?
Terrifiée, elle rabattit le clapet de son ordinateur
portable et sauta presque hors de son siège. Que devait-elle faire ?
Prévenir la police ? On lui rirait au nez en lui disant que c’était
certainement un ami qui lui faisait une blague… Mais si elle avait affaire à un
tueur en série ? Un violeur ? Un psychopathe qui voudrait la…
— Stop ! s’exclama-t-elle pour elle-même. Tu
délires, Terry, calme-toi avant de péter une durite !
Le plus simple était de réfléchir à tout ça et de récolter
le plus d’infos possible pour essayer de comprendre ce qu’il se passait. Et
pour ça, elle devait ouvrir tous les emails ! Elle fouilla donc dans la
corbeille de sa messagerie.
« 1er
décembre – 1ère case
Bonjour Terry,
Aujourd’hui nous
sommes le 1er décembre, il est donc l’heure d’ouvrir la première
case du calendrier de l’avent que je t’ai préparé.
J’imagine que tu
te demandes « ce que c’est que ce délire ». J’admets, c’est un peu particulier
comme procédé pour t’avouer mon amour. Car oui je t’aime, ma Terry.
Je n’ai jamais eu le courage de te le dire,
par peur d’un rejet, alors je passe mes sentiments sous silence et fais en
sorte de ne rien laisser paraître. Mais je ne peux plus me mentir. J’ai donc
décidé de me jeter à l’eau et advienne que pourra.
Pour mettre toutes
les chances de mon côté et te séduire, j’ai imaginé ce calendrier de l’avent.
Chaque jour, tu recevras « ta case » quotidienne par mail. Tu auras
parfois des pièces jointes, parfois non. Ce sera la surprise.
Pour aujourd’hui,
tu n’as rien de plus que ce message, je pense que la surprise est déjà bien
assez grande pour toi.
Peut-être te
demandes-tu pourquoi maintenant ? Après tout, j’aurais pu
continuer de t’aimer en silence… Et puis la période de Noël a commencé à se
préparer et j’ai eu cette idée. Tu détestes Noël, je le sais, j’espère te faire
changer d’avis avec ce calendrier de l’avent. De plus, les fêtes sont propices
à la romance et aux miracles… tout est bon à prendre pour me permettre de te
séduire, ma Terry.
Je te dis donc à
demain pour ta seconde case et te souhaite une belle soirée,
Ton père
Noël. »
« 2 décembre –
2ème case
Bonjour Terry,
Comment vas-tu
aujourd’hui ? J’espère que tu as digéré mon premier mail et que je ne t’ai
pas fait peur… C’est une de mes inquiétudes, je l’avoue. Je pourrais tout de
suite te dire qui je suis pour te rassurer, mais je sais que tu es joueuse. Je
croise donc les doigts pour que ce trait de ta personnalité prenne le pas sur
la crainte que tout ceci aurait pu t’inspirer.
Pour aujourd’hui,
ton cadeau sera une musique. Cela est aussi un indice sur mon identité puisque
je sais que tu adores cette chanson… mais en connais-tu le sens ? Tu
trouveras donc la traduction des paroles ainsi qu’un MP3 du son en pièce
jointe.
À demain, ma
Terry,
Ton père
Noël. »
Terry téléchargea les pièces jointes, qui avaient été
renommées afin qu’elles soient anonymes, lança la musique et immédiatement Despacito retentit dans son salon. Elle
adorait cette chanson ! Pourtant, cette fois, au lieu de simplement
l’écouter, elle lut la traduction des paroles en même temps.
C’était une chanson d’amour, ça, elle le savait, elle
ignorait en revanche qu’elle parlait de séduction, d’un homme qui désirait une
femme sans le lui dire. Elle devait l’admettre, la mélodie collait parfaitement
à la situation. C’était complètement délirant ! Pour en apprendre plus,
elle ouvrit le troisième message.
« 3 décembre
– 3ème case
Bonjour Terry,
Aujourd’hui, comme
tu as sans doute dû déjà le
remarquer, tu as une pièce jointe. Il s’agit d’un indice sur moi, toujours dans
le but de te rassurer. C’est un endroit que j’aime, tout comme toi.
Je t’embrasse,
Ton père
Noël. »
Elle téléchargea le fichier et découvrit une photo d’un parc
en ville. Plus précisément un plan d’eau contenant de petites îles qui
abritaient de nombreux cygnes et canard. Elle adorait effectivement y venir
pour y réfléchir ou simplement profiter du soleil. Comment son père Noël
pouvait-il savoir autant de choses sur elle ?
Une fois de plus, elle sentit la panique et la peur
l’envahir. Mais les messages avaient tendance à la mettre en confiance. Son
admirateur mystère – elle n’en revenait pas d’en avoir un ! – se montrait attentionné
et faisait tout pour la rassurer…
Devait-elle prévenir la police ? Ou une copine au
moins ? Histoire que quelqu’un s’inquiète si elle disparaissait un jour
sans jamais laisser de trace…
Puisque cela ressemblait à un début de plan, elle appela Élodie.
Après les banalités d’usage, Terry lui raconta ce qui lui arrivait et la
réaction de son amie ne tarda pas :
— C’est dingue ce que tu me dis !
s’exclama-t-elle.
— Je sais, c’est bien pour ça que je t’en parle. Je
dois avertir les flics à ton avis ?
— Je ne sais pas trop… c’est bizarre, mais peut-être
que c’est vraiment quelqu’un qui souhaite te séduire. C’est original comme
façon de faire d’ailleurs, c’est vraiment mignon !
— Et si c’est un cinglé qui veut ma peau ?
répliqua Terry.
— Mais non ! Tu vois toujours tout en noir.
— Et toi tout en blanc.
— J’avoue, répondit Élodie en riant. Écoute, je te
propose un truc : demain, je passe te chercher après le boulot, on commande
une pizza avec ton bon gratuit et on occupe notre soirée à décortiquer tous les
mails pour trouver un indice. Ça te va ?
Terry accepta et les deux amies raccrochèrent.
Elle se coucha en réfléchissant à tout ce qu’elle avait
appris par le biais des messages. Ils contenaient des pistes qui lui
révéleraient l’identité de son père Noël, il suffisait de mettre le doigt
dessus.
Le lendemain, Élodie était là quand Terry quitta le cabinet
vétérinaire. Elle monta dans sa voiture, la salua, et les deux femmes prirent
la route pour la pizzéria qui leur offrirait leur dîner. Alors qu’elles
poussaient la porte de l’établissement, toutes deux scrutèrent les gens
présents pour tenter de reconnaître quelqu’un… mais rien. Terry rentra à son
appartement sans indice supplémentaire.
Puisque Élodie avait apporté une bouteille de vin, Terry
sortit les verres, découpa la pizza et ne perdit pas une seconde de plus avant
de s'installer sur son ordinateur pour consulter ses mails. Son amie penchée
par-dessus son épaule, elle vit que « la case du jour » était
arrivée.
— Vas-y ouvre, l’encouragea Élodie.
« 5 décembre
–5ème case
Bonjour Terry,
Je suis ravi de
voir que tu as enfin décidé d’ouvrir mes mails. J’avais craint que tu n’en fasses rien et que mon plan tombe à l’eau.
Ne panique pas, je
ne t’observe pas, ni ne te surveille. Je reçois simplement une notification
quand tu lis mes messages. Je m’inquiétais un peu quand j’ai vu que je n’avais
toujours rien au bout de quatre jours, mais je suis désormais rassuré. Je sais
que ta curiosité te poussera chaque jour à découvrir ta case.
Aujourd’hui, je te
propose un proverbe espagnol et te laisse y réfléchir.
Offrir l’amitié à qui veut l’amour, c’est donner du pain à
qui meurt de soif.
À toi,
Ton père
Noël. »
— Merde, je suis jalouse ! s’exclama Élodie à la
lecture du courriel.
Terry ne répondit pas et se contenta d’un petit sourire en
coin. Elle ignorait pourquoi, mais ce message la convainquit pour de bon que
son admirateur était sincère et ne lui voulait aucun mal. Seulement lui avouer
qu’il l’aimait.
— Qui ça peut être à ton avis ? l’interrogea Élodie.
— Je n’en sais rien, mais je compte bien le
découvrir !
Et dans ce but, elle décida d’imprimer tous les emails reçus
depuis le début et de rajouter une note à la main, indiquant le contenu des pièces
jointes. Puis elle quitta l’ordinateur et s’installa au salon avec Élodie.
Elles passèrent la soirée à relire les messages tout en
buvant du vin et dévorant la pizza – délicieuse ! – offerte par le père
Noël mystère de Terry. De longues heures plus tard, les feuilles étaient
bariolées de surligneur de couleur qui relevait tous les indices. Jaune pour ce
que l’inconnu savait de Terry, bleu pour ce qui était une piste sur son
identité, rose pour les choses qui avaient intrigué les filles.
Un vrai sapin de Noël ! Vu la période, on peut dire que
cela s’y prêtait bien !
Et les jours s’écoulèrent ainsi, dévoilant quotidiennement
sa case à Terry. Elle s’était vue offrir un poème, un bon pour des fleurs, un
soin en institut, des mots doux, des photos…
Chaque fin de journée désormais, Terry se hâtait de rentrer
chez elle afin de découvrir son mail et de se plonger dans ce qui était
maintenant devenu une routine : décortiquer le courriel avec Élodie. Soit
par téléphone quand son amie n’était pas libre, soit autour d’une pizza.
Et aujourd’hui, Terry trépignait d’impatience. Elle faisait
des heures sup au cabinet vétérinaire pour assister Marc. Un jeune homme
s’était présenté à l’accueil dix minutes avant la fermeture. Il venait de
percuter un chien errant et le leur amenait pour examen.
Raphaël finissant plus tôt le lundi, c’était Marc qui avait pris
l'animal en charge. Par solidarité, Terry avait proposé de l’aider. Sa main
avait bien guéri, ce qui ne l’handicapait plus pour travailler.
Après consultation, Marc ne trouva qu’une légère fracture
sur la patte avant droite du labrador.
— Je suis tellement soulagé ! s’exclama le chauffeur
du véhicule. J’ai freiné quand je l’ai vu au milieu de la route, mais avec la
neige, la voiture a dérapé.
— La neige ? répéta Terry en couinant.
Elle se précipita alors à la fenêtre qu’elle ouvrit… et
admira le magnifique tapis blanc qui recouvrait le sol.
Terry détestait la neige ! Pire : elle
l’exécrait ! C’était aussi une des raisons qui faisait qu’elle n’aimait
pas décembre : le froid et la neige ! Neige signifiait conduite
risquée, glissades, pieds mouillés…
De rage, Terry rabattit brutalement le battant sous l’œil
amusé de Marc. Le vétérinaire rassura l'automobiliste sur le sort du chien et
l’informa qu’il était pucé, ce qui contribuerait à retrouver son propriétaire.
— Je vous laisse mon numéro, indiqua le jeune homme,
au cas où. Vous pourrez me donner de ses nouvelles, s’il vous plait ?
— Bien sûr, on vous appelle demain dès qu’on a essayé
de joindre ses maîtres. Bonne soirée.
Marc guida le visiteur impromptu vers la porte et verrouilla
dès qu’il fut sorti. Terry l’aida à fermer le cabinet pour la nuit et tous deux
quittèrent les lieux… mais la voiture de Terry refusa de démarrer. Déjà qu’elle
avait horreur de la neige, voilà maintenant que sa bagnole la lâchait !
— Je déteste décembre ! ragea-t-elle en frappant
le volant.
Quoique depuis quelque temps, elle appréciait un peu plus
cette période de fête. La faute à un certain père Noël mystère… En avisant de
l’heure, presque 20h, sa colère augmenta. Elle devait avoir reçu sa case du
jour et elle ne pouvait pas la consulter ! Elle aurait pu le faire depuis
son Smartphone, mais cela n’aurait pas été pareil.
Lire son message quotidien était devenu une sorte de rituel.
Elle entrait chez elle, se déchaussait, se précipitait sur l’ordi, parcourrait
le mail, l’imprimait puis contactait Élodie… En prendre connaissance depuis
l’écran de son téléphone briserait la boucle. Elle devait patienter.
Un coup sur sa vitre la fit sursauter.
— Tu as un souci ? s’inquiéta Marc quand elle
ouvrit légèrement sa porte.
— Elle refuse de démarrer. La batterie doit être
morte.
— Mince, pas de chance. Viens je te ramène, on
s’occupera de ta voiture demain.
Marc la déposa chez elle et presque à regret, elle quitta
l’atmosphère chaude de l'habitacle pour rejoindre le froid polaire qui lui
mordit le visage. Elle traversa la rue en courant, saluant en même temps son
collègue d'une main, et se dépêcha de rentrer. Elle jeta clefs, sac et manteau
dans un coin et se précipita sur son ordinateur. Comme chaque soir, fidèle au
poste, elle trouva son message quotidien.
« 17 décembre
– 17ème case
Bonjour Terry,
Brrr, ça caille
aujourd’hui ! Quand j’ai vu les flocons commencer à virevolter dans le
ciel blanc aujourd’hui, j’ai pensé à toi. Tu détestes la neige parce que c’est
froid, mouillé et que ça glisse.
J’aimerais
tellement être auprès de toi ce soir. Pour te tenir compagnie et te réchauffer.
Surtout te réchauffer. De toutes les manières possibles et inimaginables.
Mon cadeau du jour
va être une demande, ma Terry. Non, une supplication : trouve-moi.
Je t’aime.
Ton père
Noël. »
Après lecture du message, Terry sentit ses joues se teinter
de rouge. Piouff, elle avait chaud d’un coup ! Il était marrant, lui, elle
voulait bien le trouver, mais comment faire ? Ce n’était pourtant pas
faute d’avoir essayé !
Avec Élodie, elle avait passé au crible tous les spécimens
masculins que Terry connaissait et, selon elles, aucun ne correspondait.
Mariés, gay, coureur de jupons, meilleur ami, pas aussi romantique…
Terry était épuisée et impatiente. Le petit jeu lui plaisait
au début, désormais cela l’agaçait. Elle souhaitait savoir qui se cachait
derrière tout ça. Elle ignorait en revanche la réaction qu’elle aurait ensuite…
Accepterait-elle de donner une chance à son père Noël ?
Il avait vraiment tout fait pour la séduire, mais l’était-elle ? Chaque
jour, elle avait hâte de parcourir son message, elle souriait à sa lecture et
s’amusait comme une folle à tenter de résoudre les énigmes avec les miettes de pain
qu’il lui lançait… mais cela signifiait-il qu’il l’avait conquise ? La
réponse effrayait quelque peu Terry.
Comme après chaque ouverture de mail, elle appela Élodie qui
hurla presque dans ses oreilles.
— Rho là là ! Il faut que tu le trouves et
vite !
— Oui et comment je fais, grande maligne ?
Ensemble, elles évoquèrent mille et un plan possible,
mettant leurs deux cerveaux en commun et examinèrent une nouvelle fois les
potentiels suspects. Après deux heures de discussion passionnée au téléphone,
Terry n’était malheureusement pas plus avancée !
Ce n’est que le 23 décembre qu’elle eut LA révélation !
Élodie était venue passer la soirée avec elle et alors que
Terry se noyait dans un saladier de pop-corn tant elle déprimait de ne pas démasquer
son père Noël, son amie remarqua quelque chose.
— Pourquoi il est en gras ce mot ? lança-t-elle
tout à coup en regardant d’un œil neuf la feuille qu’elle tenait.
— Quoi ?
— « Petite » il est en gras dans ton mail du
jour. Pourquoi ?
— Montre.
Terry s’empara du papier et relut le message.
« 23 décembre
– 23ème case
Bonjour Terry,
Tic tac, tic tac…
la fin approche. J’avoue que je suis terrifié, car l’heure du dénouement n’a
jamais été aussi proche. Es-tu aussi nerveuse que moi ? Si c’est le cas, petite suggestion : le thé aide
bien. Je suis plus café que thé, mais ma foi je m’y suis mis et ce n’est pas si
mauvais quand on est habitué.
Revenons-en à ton
calendrier. Il ne reste plus que deux cases et j’aimerais te faire une
proposition pour celle de demain soir : te l’apporter en personne. Qu’en
dis-tu ? On pourrait passer le réveillon ensemble si tu es d’accord. Bon
Dieu, j’ai un de ces tracs !
Demain, à 20 h,
je sonnerai à ta porte. Tu es libre de m’ouvrir ou non. Si tu le fais, sache
que ça ne t’engagera à rien. Cela voudra juste dire que tu acceptes de discuter
avec moi.
Pour la case du
jour maintenant, tu trouveras en pièce jointe un bon pour une buche chez le
pâtissier du coin. Si tu acceptes ma proposition du dessus, on pourra la
déguster ensemble demain soir.
Dis oui…
Ton père
Noël. »
« Petite » était effectivement en gras… Pourquoi
celui-là ? Intriguée, Terry s’empara de toutes les feuilles qui jonchaient
son salon et les parcourut, imitée par Élodie.
— Il y a un mot en gras sur tous les messages !
s’exclama son amie.
— Ça doit être important, il faut les noter !
Le cœur de Terry battait la chamade. La jeune femme sentait
qu’elle tenait une piste et son instinct ne la trompa pas. Une fois tous les
mots relevés et mis côte à côte, ils formaient une phrase. Une simple ligne qui
lui révéla l’identité de son père Noël.
N’aie pas peur. Tu
ne crains rien avec moi, tu es en sécurité. Tu me connais depuis toujours. Trouve-moi.
Tu sais qui je suis, petite.
— Je sais qui c’est, souffla Terry, les larmes aux
yeux, la gorge serrée.
Elle n’en revenait pas ! Comment avait-elle fait pour
ne pas comprendre plus vite ? C’était pourtant si évident ! Elle
relut tous les mails, réexamina toutes les pièces jointes qu’ils contenaient…
le doute était impossible ! Elle était absolument certaine de sa
découverte. Il n’y avait qu’une personne qui l’appelait « petite ».
Cependant, elle ne fit rien. Élodie tenta de la convaincre de
contacter l’inconnu qui n’en était plus un, mais Terry refusa. Il avait préparé
tout ça pour que cela se termine en apothéose le 24 décembre, elle ne voulait
pas lui gâcher son calendrier si près de la fin.
Elle se coucha, le sourire aux lèvres, impatiente d’être au
lendemain.
Comme convenu, elle passa à la pâtisserie récupérer la bûche
commandée pour elle. Cette fois, elle n’essaya pas de soudoyer le commerçant
pour qu’il lui dévoile l’identité de son bienfaiteur, c’était aujourd’hui
inutile.
À 19 h, elle fila sous la douche, puis se coiffa, se
maquilla et se vêtit d'une jolie robe. À 19 h 50, elle dut avaler un tranquillisant
tant sa tension crevait le plafond. Elle était si nerveuse qu’elle menaçait de
s’effondrer à n’importe quel moment ! C’est presque ce qu’elle fit
d’ailleurs quand l’alarme qu’elle avait réglée sur son Smartphone sonna à 20 h
précise. Elle l’éteignit et fixa sa porte, retenant sa respiration, l’oreille aux
aguets pour capter le moindre son provenant du palier.
Son téléphone indiquait 20 h 01 et toujours rien. Un
claquement de langue agacé lui échappa. Même aujourd’hui il allait se
débrouiller pour être en retard !
Puis un coup sec retentit à 20 h 02, Terry manqua
de défaillir.
Elle s'autorisa quelques secondes pour souffler et se calmer
puis ouvrit sans vérifier l’identité de son visiteur par le judas. Le battant pivota
et révéla dans un premier temps un bouquet – roses rouges et arums éclatants, ses
fleurs préférées – plus gros qu’elle n’en avait jamais vu. Puis le visage de
son ami d’enfance.
La façon dont Raphaël la regardait prouva à Terry qu’il
était aussi nerveux qu’elle. Le sourire timide qui étirait ses lèvres
n’atteignait pas ses magnifiques iris verts.
— Salut, lança-t-il d’une voix chevrotante.
— Salut.
Ils restèrent tous deux à se fixer dans le blanc des yeux
pendant quelques secondes avant que Terry ne se décide à prendre les choses en
mains.
— Alors, on se dégonfle, Raphaël ? demanda-t-elle.
Tu m’avais pourtant assuré ton désir d'être auprès de moi pour me réchauffer
par ce temps glacial non ?
— Seulement si tu m’y autorises.
Terry acquiesça d’un signe de tête et elle vit le
soulagement envahir son ami. Il lâcha le bouquet de fleurs qui tomba au sol et
posa une de ses paumes sur le visage de Terry.
— Depuis le temps que je veux faire ça, murmura-t-il
avant de l’embrasser.
La jeune femme répondit à son baiser et termina plaquée
contre un mur, ses jambes autour de la taille de Raphaël. Quand ils durent se
séparer pour reprendre leurs souffles, tous deux affichaient un air idiot.
— Joyeux Noël, ma Terry.
— Joyeux Noël, Raphaël.
Terry ne pesterait plus jamais sur le mois de
décembre ! À compter de cette année, il allait devenir son mois
préféré ! La faute à un certain père Noël !