Extrait n° 1
Cameron se sentait bien, l’alcool brouillait un peu ses sens et ses réflexes, mais il s’estimait en état de conduire. Son corps était maintenant habitué à être noyé dans la boisson.
Il délaissa la rue engorgée du club, puis le quartier dont les artères étaient bondées, et fonça pour rentrer chez lui. Anesthésié par les cocktails, l’ivresse de la vitesse… il ne vit pas le break familial qui venait sur sa droite.
Le pire se produisit alors.
Il percuta de plein fouet le véhicule.
La dernière chose qu’il aperçut fut une petite fille hurlant dans la voiture, puis le trou noir.
Extrait n° 2
Cameron quitta l’hôpital quatre jours plus tard avec une simple attelle au bras. Avant de sortir de l’établissement, il désira assumer ses actes et s’entretenir avec la famille qu’il avait détruite. À peine eut-il le pied dans la chambre de la fillette que la mère lui donna un coup qui aurait fait pâlir d’envie les plus grands boxeurs.
— Vous pouvez être fier de vous, Monsieur Woodrof ! Regardez ce que vous avez fait ! Regardez ! siffla-t-elle, folle de rage.
Il s’exécuta et ce qu’il vit le glaça d’effroi.
La gamine, qui se nommait Morgane, était immobilisée sur son lit par tout un mécanisme de sangles et de tiges en métal qui permettait de maintenir son dos en place afin de le préserver. Son visage de poupée était ravagé par les plaies ensanglantées et totalement déformé par le gonflement des hématomes.
Le teint livide, il posa son regard sur la femme. La gifle qu’elle lui avait administrée lui piquait encore la joue, pourtant il lui aurait presque demandé de lui en coller une autre tant il se sentait minable.
Extrait n°3
Cameron se réveilla d’un bond, la tête enfarinée, pas habitué à se lever si tôt. C’était même normalement l’heure à laquelle il se couchait, à dire vrai !
— Debout, Cameron ! clama Ellen. Ton premier jour au journal t’attend.
— Mais il est 6h du mat’, râla Cameron en se recouchant.
— Et ? Catherine commence à 8h30, donc toi aussi. Le temps que tu arrives à te lever et à te doucher, je suis sûre que ce sera l’heure de partir. Maintenant, on se bouge avant que je m’énerve.
— Et tu comptes faire quoi ? ricana Cameron sous sa couette. Me virer du lit, peut-être ?
— Et pourquoi pas, tiens !
Ellen tira les couvertures et les draps puis joua des muscles pour basculer le matelas par terre. Cameron se retrouva à goûter la moquette du sol. Il releva vers sa tante un visage où se mêlaient incrédulité et colère.
— Je te l’ai dit : tu réagis comme un gosse, je te traite comme un gosse ! Je t’attends dans la cuisine.
Extrait n°4
— Écoute, gamin, je ne suis pas ta mère, OK ? Tu vas faire ce que je te dis, et sans moufter, parce que sinon tu sais ce qu’il t’attend, n’est-ce pas ?
Le visage lumineux d’Ellen s’était totalement fermé en l’espace d’une seule seconde. Ses yeux vert bouteille s’étaient assombris sous l’effet de l’agacement. Pendant un instant, Cameron se revit enfant. Il comprenait parfaitement bien pourquoi il avait si peur d’elle quand il était gosse.
— Je ne pense pas qu’un séjour par la case prison te tente plus que ça. Et comment peux-tu savoir que ça ne te plaît pas, d’abord ? Tu n’as jamais rien fait de ta vie à part te saouler ! Tu vas essayer, et, quand tu rentreras à Los Angeles, tu feras ce que tu veux. En attendant, tu es sous ma responsabilité. Ma ville, ma maison, mes règles. Suis-je claire ?
— Comme le cristal des verres que j’utilise pour me saouler ! répliqua-t-il en lui lançant une œillade noire.
Extrait n°5
— Qu’est-ce que ça veut dire ? s’exclama-t-il en se postant face à Ellen.
— Quoi donc ? s’enquit-elle innocemment.
— Tout cet attirail sur mon bureau.
— Oh, ça, c’est pour que tu fasses ton ménage. Ça fait presque une semaine que tu es là, il est temps de nettoyer tes appartements.
— N’avons-nous pas des domestiques pour ça ?
— Erreur, j’ai des domestiques. Des gens que je respecte et que je ne traite pas comme mes boniches.
— C’est pourtant ce qu’ils sont !
C’est alors qu’il entendit un cri choqué sur sa droite. Il ne l’avait pas remarquée avant, mais une femme était en train de lustrer l’argenterie. Celle-ci lui adressa une œillade noire qui fit se ratatiner Cameron sur place. Il avisa ensuite sa tante, qui l’observait avec une moue satisfaite.
— C’est à cause de ce genre de réflexion que tu passeras tous tes jours de congé à apprendre ce qu’est la vie « de monsieur tout le monde ». Penses-tu que tes chaussettes malodorantes passent seules du sol de ta chambre à la buanderie ? Ou encore que les petits plats que tu dégustes se préparent d’un claquement de doigts ? Tu dois apprendre à respecter les gens qui te servent. Ce n’est pas parce que tu es un Woodrof que tu es meilleur qu’eux, cher neveu !
Cameron fut tenté pendant une seconde de lui répliquer que si, mais se ravisa. La servante, qui briquait désormais un énorme couteau, le fusillait toujours d’un regard assassin. Mieux valait qu’il la ferme et se concentre sur sa liste de choses à faire.
• Nettoyer la salle de bain et les…
— WC ?! C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ? Tu ne peux pas me faire ça, ma mère ne sera jamais…
— Tes parents sont parfaitement au courant. Mieux, ils approuvent pleinement, le coupa Ellen avec un rictus moqueur. Et, à la fin de la journée, quand tu auras terminé, nous irons faire quelques courses au supermarché.
— Le supermarché ? s’insurgea-t-il en s’étranglant presque d’effroi.
Lui, Cameron Woodrof, allait pousser un caddie à commissions comme le petit peuple ?
Extrait n°6
— Heu… excuse-moi, insista-t-il. Ma tante m’a dit qu’on devrait bosser ensemble.
Catherine se releva alors et lui fit face. Elle le détailla de haut en bas en lui lançant un regard perçant qui lui procura la désagréable impression d’être un misérable insecte sur la route de Sa Majesté.
Mal à l’aise, il se gratta la gorge à nouveau, voulut se passer une main dans les cheveux – un tic dès qu’il était nerveux – et constata qu’il tenait toujours le gobelet. Il lui tendit la boisson tout en lui souriant. Catherine porta le breuvage à ses lèvres avant d’afficher une mine dégoûtée.
— Premièrement, nous n’avons pas élevé les cochons ensemble, donc tu ne me tutoies pas. Deuxièmement, on ne bosse pas ensemble, tu bosses pour moi, nuance. Troisièmement, ce café est froid, ce qui veut dire qu’il est infect.
Cameron la regarda, hébété. Jamais une femme n’avait osé lui parler comme ça. Il resta figé sur place comme un imbécile, la timbale de café que Catherine lui avait rendu entre les doigts.
— Bon alors, tu bouges ? T’attends quoi, au juste ? s’exclama Catherine en le scrutant.
— Je… je…
— Tu quoi ? Tu vas y arriver ou tu veux un coup de main ?
Cameron ouvrit grand la bouche, incrédule. Dans quel univers était-il tombé ? Depuis quand les nanas lui adressaient-elles la parole sur ce ton ? C’était totalement surréaliste !
Extrait n°7
Il lui rendit son portable, l’embrassa sur le front et sortit en trombe du centre. Il continua de cavaler, slalomant entre les véhicules et les passants interloqués qui le dévisageaient.
Il n’avait pas vraiment la tenue adéquate pour un footing, mais il s’en fichait. Il voulait juste rentrer chez lui le plus vite possible. Il lui semblait impossible d’attendre que la voiture passe le récupérer.
C’était au-dessus de ses forces.
Il devait fuir.
Vite.
Et plus il courait, plus les larmes qui coulaient s’accentuaient pour devenir des sanglots incontrôlables.
Sur la route qui le menait à la villa, il dut s’arrêter plusieurs fois pour vomir ce qu’il avait dans l’estomac. À chaque foulée, il revoyait les derniers mois défiler dans sa tête.
L’accident et son réveil à l’hôpital. La première fois qu’il avait rencontré Morgane, allongée dans ce lit, inconsciente, le corps en miettes à cause de lui. Puis le procès, sa fuite forcée à Atlanta… Tout passait en flash devant ses yeux. Chaque image le rendant encore plus malade que la précédente.
Qu’avait-il foutu, bordel ?!
Bien sûr, sa vie avait changé, mais qu’était-elle aujourd’hui ? Il occupait son temps libre à penser à une femme qu’il désirait. Il s’autorisait à rire et à flirter alors qu’une petite fille se battait pour être capable de remarcher un jour.
Il se dégoûtait lui-même
Extrait n° 8
Catherine reprit son travail, mais n’arrivait plus à se concentrer sur son papier. Elle ne comprenait plus rien à ce qu’elle tapait. Elle était en train de relire ce qu’elle avait déjà écrit quand il réapparut dans la salle, tout sourire.
— Tiens donc, le sombre crétin est déjà de retour, cracha-t-elle sans s’en rendre compte.
Pour le côté cool et sympa, il y avait encore du boulot !
— Ah, Armand, toujours aussi délicate, répliqua-t-il en se posant face à son bureau. Je me doutais un peu que tu serais sur les nerfs, alors je t’ai rapporté un petit cadeau.
Il lui jeta une boîte d’allumettes au visage, lui expliquant que c’était un souvenir du restaurant où elle ne poserait jamais un pied. Catherine eut alors une furieuse envie de l’étrangler, de lui faire avaler son « cadeau » et de faire en sorte qu’il s’étouffe avec. Cameron afficha un sourire mesquin et partit quand il vit dans quel état elle était. Il aimait bien la provoquer. La mettre en boule était devenu son petit jeu quotidien.
Catherine se promit qu’elle irait chercher une balle antistress dès sa journée terminée. Il lui fallait un truc pour calmer ses nerfs, sinon c’est sur la tête de piaf du blondinet qu’elle se défoulerait. Et il risquait de ne plus être aussi beau gosse à regarder quand elle en aurait fini avec lui !
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