Kate tenta d’oublier Andrew et sa bande et continua à bosser, mais son attention était irrémédiablement détournée par lui et ce maudit cookie qui reposait toujours sur sa table. Au bout d’un énième gloussement de poules, elle craqua et décida d’agir.
Prise de colère, elle s’empara de la pâtisserie, croqua dedans, puis se dirigea vers lui d’un pas vif. Andrew lui tournait le dos, les biches effarouchées qui l’entouraient avaient bien remarqué la jeune femme, mais préféraient l’ignorer, se disant sans doute que cela faisait une concurrente de moins.
Ce qui accentua encore plus la rage de Kate et expliqua le geste fou qu’elle commit ensuite. Agacée d’être invisible pour eux, elle attrapa Andrew par une épaule et le força à pivoter vers elle. Elle lut dans ses yeux qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Cela se confirma lorsqu’elle écrasa le biscuit sur son torse, provoquant chez lui un regard ahuri et chez les filles qui l’escortaient un murmure outragé.
— Ton cookie extra moelleux aux pépites de chocolat qui t’attend depuis au moins deux heures !
Et sans lui laisser le temps de répondre, Kate retourna à sa place, retenant difficilement le sourire ravi qui étirait ses lèvres. Une chance que Willow ne fut pas présente, sinon elle aurait certainement fait une syncope !
Extrait n° 2
Extrait n° 3
Travaillant dans un diner à la décoration des plus clichés du genre, il s’avérait donc logique qu’elle ait des patins à roulettes à la place de ses souliers. Par chance, cela ne la dérangeait pas.
Au début, quand elle avait commencé à bosser ici, quelques chutes mémorables avaient été à noter, mais désormais, Kate était la reine du patin. Marche avant, marche arrière, mains libres ou non, elle était aussi à l’aise sur ces engins de tortures que dans ses gros chaussons de la maison.
Cela lui avait d’ailleurs beaucoup servi en tant que mère, car c’est bien connu, tous les enfants souhaitent apprendre à patiner un jour. Sa fille, Charlie, n’avait pas fait exception à cette règle. Quand Kate lui avait fait une démonstration avant de lui enseigner l’art du patin, Charlie avait eu les yeux étincelants de bonheur et de fierté.
Ça, c’était avant bien sûr. Quand elle était petite.
Charlie avait maintenant quinze ans et ne ressentait plus aucune fierté pour sa maman. Si on l’écoutait, elle lui faisait même honte. Une ado de son âge qui n’a pas le droit de fumer ou de sécher les cours quand elle veut, en effet, c’est « la loose » !
Kate soupira en pensant à sa progéniture. Elle ne savait plus quoi faire avec elle. Elle avait lu partout que l’adolescence était une période terrible, aussi bien pour les gamins que pour leurs parents, mais elle ne s’attendait pas à autant de problèmes !
Extrait n° 4
— Allô ?
— Madame Mingam ?
— Oui…
— Bonjour, Madame, officier Woodrof, je vous appelle du commissariat de Cody…
— Le commissariat, hoqueta Kate, le souffle coupé.
Ses jambes tremblèrent sous elle et menacèrent de la lâcher. Ellie la guida dans le vestiaire du personnel et la fit asseoir sur une chaise, la fixant, inquiète de la suite.
— Vous êtes toujours là ? s’enquit le policier.
— Oui, pardon… c’est ma fille, c’est ça ? demanda Kate terrorisée par la réponse.
— En effet, Madame…
Kate imagina alors le pire et dut se faire violence pour ne pas raccrocher. Elle ne voulait pas entendre ce qu’il allait lui dire. […] Petit à petit, le cerveau de Kate se focalisa sur les mots qui atteignaient ses oreilles et lui donnaient une vague idée de ce qui s’était produit…
— Pardon ? souffla-t-elle.
— Vous devez vous rendre au poste pour la récupérer, Madame. L’école nous a appelés, elle a apporté des bouteilles d’alcool en cours. Elle est actuellement en cellule de dégrisement…
— Elle est ivre ? le coupa Kate.
— Ivre morte serait sans doute plus proche de la réalité, confirma l’agent. Elle est à la limite du coma éthylique…
— Je vais la tuer ! siffla Kate.
— Prenez un moment pour vous calmer et vous viendrez la chercher. Elle est avec nous, elle ne bouge pas. Elle est en sécurité.
— Je travaille, il faut que je m’organise… Je fais au plus vite. Merci, Officier Woodrof.
— À votre service, Madame.
Kate raccrocha et serra les doigts autour du téléphone, imaginant que c’était le cou de sa progéniture qu’elle comprimait de la sorte. Quinze ans ! Quinze ans et elle était « ivre morte » au lycée !
Extrait n° 5
Un éclair déchira soudain le ciel, puis le tonnerre retentit, à peine quelques secondes plus tard. Alors que Kate s’apprêtait à ouvrir la bouche pour réconforter son enfant, un coup sec retentit sur sa fenêtre, leur arrachant, à toutes les deux, un hurlement. La main sur la poitrine pour calmer les battements affolés de son cœur, Kate pivota vers son carreau et se rendit compte qu’il y avait quelqu’un à l’extérieur.
La peur l’envahit alors.
Comment devait-elle agir ? Elle n’avait aucun moyen de fuir puisque le voyant était encore allumé sur le tableau de bord et elle ne possédait aucune arme pour se défendre… Une œillade rapide à sa fille lui apprit qu’elle aussi était soudain terrorisée.
— Madame ? entendit-elle. Vous avez un problème ?
Kate fit descendre très légèrement sa vitre, les paumes tremblantes, et tenta de sourire.
— Tout va bien, Monsieur, merci. Je pourrais repartir bientôt.
— Je peux vous aider, je suis mécano. Vous ne craignez rien, je vous promets.
Kate ne savait pas quoi faire. Un coup de main était toujours appréciable, mais en pleine campagne, la nuit, sous la pluie et avec sa fille à ses côtés ? Il était hors de question que Charlie soit en danger à cause d’elle.
— Ça va aller, merci, répondit-elle en fermant sa fenêtre.
— Allumez vos feux et ouvrez votre capot, je vais jeter un œil. Vous n’allez pas rester là avec un temps pareil.
Et pour confirmer ce que cet inconnu disait, un nouvel éclair déchira le ciel et les gouttes retentirent plus fort sur le toit de la voiture.
Kate se demanda si elle pouvait faire confiance à cet individu. Il faisait un temps de chien, il fallait être un ange pour venir en aide à quelqu’un dans des conditions semblables, non ? Choisissant d’y croire, Kate fit ce qu’il avait ordonné et mit le contact avant d’allumer ses phares.
Elle remarqua alors la camionnette blanche garée juste devant. Si elle se fiait aux écritures sur les portes arrière, cet homme était vraiment garagiste. La chance lui souriait-elle enfin ?
Extrait n° 6
Elle était arrivée au bout du ponton quand elle se figea instantanément. Drew se dressait face à elle. Il devait faire de la course si elle en croyait sa tenue. Quand il constata qu’elle avait repéré sa présence, il retira sa capuche, et Kate remarqua qu’il avait des écouteurs dans les oreilles. Il les enleva et attendit.
— Bonjour, lança-t-elle, incertaine.
— Salut.
Et tous deux restèrent là, à se scruter, sans savoir quoi dire. Kate lui jetait des regards fuyants, et Drew ne voulait pas s’imposer ou lui faire peur. Il la salua d’un signe de tête et commença à s’éloigner, remettant ses écouteurs…
— Est-ce que c’est vrai ? entendit-il soudain.
— Qu’est-ce qui est vrai ?
— Vous le savez, déclara-t-elle en plongeant dans ses yeux.
— Si tu parles du fait que je sors de prison, oui.
— Parce que maintenant on se tutoie ? s’étonna Kate.
— Tu me poses des questions sur ma vie, j’estime donc que tu souhaites en apprendre plus sur moi, donc autant se tutoyer.
Le coin de ses lèvres se redressa légèrement, s’amusant lui-même de ce qu’il racontait.
— Tu as vraiment tué quelqu’un ?
— Oui.
— Prémédité ?
— Oui.
— Le regrettes-tu ?
— Non !
Kate recula d’un pas en percevant le grognement dans la voix de Drew. Il était sincère. Il avait ôté la vie d’un être humain, il n’en avait cure et ne ressentait aucun remords… Le cœur battant la chamade, elle se rendit compte qu’elle éprouvait désormais de la peur. Elle était en pleine nature, dans un coin totalement isolé, seule avec un meurtrier…
— Il le méritait, lança soudain Drew en se rapprochant d’elle. Je te jure qu’il le méritait.
La jeune femme hocha la tête pour lui signifier qu’elle l’avait entendu, mais n’était pourtant pas plus rassurée que ça. Peu importe qui était sa victime et ce qu’elle avait fait, elle aurait pu payer son crime avec un séjour en prison, pourquoi l’avoir éliminée ?
— J’ai tué une ordure qui ne méritait plus de vivre, avoua-t-il, du bout des lèvres, le regard toujours accroché au sien. Tu n’as pas à me craindre.
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